La mort du féminisme
Petit article écrit hier soir que je n'ai pas trouvé le temps de poster avant ce matin...
Il est un peu polémique, une fois n'est pas coutume (ce n'est vraiment pas mon habitude), j'espère qu'il ne suscitera pas de mauvaises réactions!
Bonne lecture^^
Y a pas très longtemps, je traversais les Grands Boulevards parisiens avec mon mari pour rentrer de chez mes parents. Comme cela arrive souvent, la rue était encombrée de manifestants. Machinalement, comme d’habitude, je déchiffre les pancartes. Quelle n’a pas été ma surprise de découvrir que je débarquais au milieu d’une manifestation « pro-vie », anti-euthanasie mais aussi et surtout anti-avortement ! Là, stupéfaite, je dévisage la foule, m’attendant à n’y voir qu’un ramassis de porteurs de chromosome Y, et en fait… il n’y avait presque que des femmes ! Dont beaucoup tiraient par la main des gamines d’une dizaine d’années… Sentant mon sang bouillir mais étant d’un naturel réservé, je traverse sans rien dire. Là, une des manifestantes me saute dessus en brandissant un papier « anti-avortement ». Restant polie, je refuse le papier : « Non madame, moi je suis pour l’avortement. » Et là, elle me hurle dessus avec une voix de poissonnière « Ah ouais ??? Et si ta mère elle avait été pour l’avortement, hein, t’aurais jamais été là, tu y as déjà pensé ?! ».
Putain mais que cette argumentation est débile. Déjà, ma mère n’est pas contre l’avortement, et je suis là pourtant. Ensuite, si elle avait voulu avorter lorsqu’elle était enceinte de moi, effectivement je ne serais pas là. Et bien, c’est comme ça. Avec des « si » on peut dire n’importe quoi : si mes parents ne s’étaient jamais rencontrés… si ma mère avait décidé de se consacrer à sa carrière au lieu de faire quatre enfants dont je suis la dernière… si ma mère m’avait perdue à cause d’une fausse couche…
En tout cas, c’était la première fois que je prenais véritablement conscience que le féminisme avait du souci à se faire, et à cause des femmes en plus. La honte.
Je ne crois pas être très féminine, ni très « garçon manqué ». Je suis un peu de tout je pense : j’aime bien les univers étiquetés « girly » : j’aime m’acheter un nouveau sac par exemple, ou de la déco pour chez moi, j’aime aussi lire des blogs BD très girly comme ceux de Diglee ou de Pénélope Jolicoeur ; cependant, je dépense le plus d’argent dans les livres et les DVDs, et pas dans les fringues, je suis fan absolu de SF, Fantasy, fantastique, jeunesse et imaginaire en général, je connais des centaines de répliques de geeks issues de Star Wars, Le Seigneur des Anneaux, etc, mon rêve n’est pas de devenir Miss Monde mais rencontrer J.K. Rowling, ça ça serait bien. Je ne m’habille pas comme un sac mais je ne mets pas non plus des jupes tous les jours. Je ne sais pas très bien me maquiller même si j’essaie souvent parce que j’aime bien. Je suis très gourmande mais je déteste cuisiner et je n’ai rien d’un cordon bleu. Je suis capable de feuilleter un magasine féminin tout comme je peux traîner des heures sur des sites d’accessoires geeks. Je pourrais continuer comme ça très longtemps…
En fait, je ne me définis pas par le fait que je suis une « fille ». Je n’essaie pas de m’accoler une définition à cette étiquette physique qui ne régit pas toute ma vie.
Et je pense que c’est ça, la véritable mort, insidieuse et lente, du féminisme : l’étiquetage de la femme, qui, s’il a légèrement changé depuis les années 50, est redevenu en fait aussi fort et castrateur (oui oui, castrateur, j’emploie ce terme à dessein) qu’avant. Je ne suis pas une experte dans tout ça, mais force m’est de constater que la société tout autour de moi ne cesse de me renvoyer toujours la même image de « femme moderne » : la femme moderne est belle et taille mannequin, elle est coquette et sait s’habiller et se maquiller, elle est gourmande mais fait très attention à sa ligne, surtout juste avant la plage ou juste après les « excès » qui reviennent chaque année (Noël et Pâques en première ligne), elle partage un peu de corvées ménagères avec son homme (merci les émissions de cuisine de contrebalancer légèrement l’image de la femme aux fourneaux, même si on y a l’impression que presque tous les « chefs » sont des hommes) mais elle garde l’exclusivité sur les tâches les plus glamour (le linge, le ménage, le nettoyage des chiottes…), elle a quelques beaux bébés joufflus et qui ne pleurent jamais, elle travaille à temps plein dans une société où elle a un poste à responsabilités, elle aime les travaux manuels comme la couture ou la confection de bijoux (limite elle fait ses vêtements elle-même, ses yaourts etc parce que quand même elle dispose d’un temps libre de folie avec son boulot à temps plein et ses marmots), elle n’oublie pas le sport (toujours pour garder la ligne hein, pas parce qu’elle aime ça), elle dépense tout son argent en fringues et en maquillage (mais à part ça elle fait très « femme d’affaires » quand même, parce qu’elle est avant tout responsable et terre-à-terre). Bref, c’est la femme parfaite, la surfemme, la femme idéale à laquelle toute « vraie » femme a, un jour ou l’autre (ou tout le temps…) rêvé de ressembler.
Je ne suis pas en train de dire que c’est « débile » ou « anti-féministe » d’aimer les fringues, ou de se maquiller beaucoup, ou de coudre ses vêtements. Ce que je n’aime pas, c’est cette image qu’on véhicule qu’on doit forcément être ou faire ça pour être une « vraie » fille. Pour être une fille qui plaira aux mecs.
Une fille qui plaira aux mecs… Je ne sais même pas si j’ai envie d’aborder ce point précis du féminisme. Tout le monde le sait de toute façon : ces femmes sur les magasines et dans les films, on sait tous qu’elles ne sont pas « vraies », que la plupart des femmes « normales » ne ressemblent pas à ça.
Ce qui n’empêche pas, néanmoins, beaucoup d’hommes de fantasmer dessus (et peut-être, je n’en sais rien, de se dire « dommage que ma copine n’ait pas le même cul/les mêmes obus/la même taille de guêpe/les mêmes lèvres charnues etc etc »), et beaucoup de femmes de souffrir en regardant ces photos et en se demandant « pourquoi sont-elles si belles et moi si moche ? est-ce que je vais forcément rater ma vie parce que je ne rentre pas dans une taille 34 ou que je n’ai pas les seins de Pamela Anderson ? ».
Et quand on vous sort un exemplaire « spécial rondes », c’est le lâcher d’ovations pour cette initiative si courageuse… où, en fait, on vous met des photos tout aussi d’irréalistes d’obèses superbes qui n’ont pas un gramme de cellulite (vive Photoshop, ça aussi tout le monde le sait), pas un ennui de santé (et oui, j’adore « Belle toute nue » sur TF1 mais tout n’est pas qu’une question de beauté dans la vie, il y a aussi la question de la santé, et c’est une « taille 44 » qui vous parle), en bref qui ne vous ressemblent pas plus que les mannequins taille 34.
Je pense aussi aux questions du sexe, au fait qu’à en croire les magasines féminins, on a intérêt à assurer niveau qualité et temps de l’orgasme, sinon… Je vous laisse là un article intéressant :
http://www.slate.fr/story/42671/nympho-superficielle-consommatrice-femme-presse-feminine
(J’adore surtout le paragraphe : « Fini le temps où ces magazines invitaient les femmes à ne plus avoir honte de leur corps et de leur sexualité, désormais le sexe, débridé si possible, hétéro-centré toujours, est obligatoire. Et la compétition est rude, car il y a toujours plus jeune, plus séduisante et plus mince que soi dans les parages: toutes les deux pages, une photo de mannequin en bikini est là pour vous le rappeler. »)
Je pense aussi à des questions plus complexes, sur lesquelles pour entamer un véritable débat je devrais mieux me renseigner sur le féminisme. J’ai notamment lu quelque part que cette mode du « la femme doit allaiter à tout prix » n’était pas qu’une initiative pour revenir à des choses plus bio et plus naturelles, mais aussi un tue-féminisme : par cette propagande qui vous dit à mots couverts « si vous n’allaitez pas vous ne donnez pas le meilleur à votre bébé, vous vous positionnez déjà en mauvaise mère », on tue encore le choix de la femme. Car je ne suis pas en train de parler pour ou contre l’allaitement, je suis en train de dire que grâce à la recherche médicale et à notre époque moderne, l’allaitement maternel a été érigé au rang de choix, tout comme l’avortement. La femme fait ce qu’elle veut avec son utérus et avec ses seins. Tiens ça me fait penser à la bande-annonce que j’ai vue récemment, celle d’Un heureux événement :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19240957&cfilm=138273.html
Un film qui a l’air bien mordant !^^
Autre thème complexe : les seins nus sur la plage. Je ne dis pas que j’ai envie de découvrir mes nichons, mais force est de constater qu’à une époque les femmes ont osé, et qu’à présent quand on fait le tour des plages, il n’y a plus beaucoup de seins nus. Tout ça me fait penser à la liberté d’habillement des femmes, au fait qu’à entendre beaucoup de journalistes et hommes politiques celles qui se font violer « l’ont bien cherché », sûrement parce qu’elles ont osé porter une mini-jupe (après tout moi quand je vois un bel homme en short et en débardeur dans la rue je ne peux me retenir de lui sauter dessus hein c’est obligé), aux « marches des salopes » à travers le monde, etc etc.
Je pense aussi à ce magnifique échange dans Persepolis :
« — Quand vous courez, votre…derrière, il fait des mouvements.
— Eh ben vous avez qu’à pas regarder mon cul ! »
Je pense que les hommes aussi subissent un certain étiquetage de la part de la société. De toute façon, tout se joue dès l’enfance, on le sait bien : on a tous vu dans des pubs ou des catalogues de jouets le fait que le petit garçon joue au petit soldat, aux voitures, au médecin, au superhéros, tandis que la petite fille joue à la dinette, passe le balai, imite sa mère avec des bébés qui pissent même maintenant (on n’arrête pas le progrès) etc etc. Et sûrement y a-t-il une part dans tout ça qu’on ne peut éviter : on ne peut sûrement nier qu’il y ait globalement quelques différences entre les deux genres, ou quelques comportements globaux qu’on peut dégager à titre de « statistiques généralistes ». Malheureusement, notre société s’engouffre là-dedans et en profite pour continuer à définir nettement des places. Et si je plains plus les femmes que les hommes, c’est parce que ces dernières ont une pression supplémentaire, celle des « objectifs » : non seulement elle doit aimer le rose et les poupées enfant, mais en plus elle doit une fois adulte être belle, bien foutue, avec une bonne carrière et des enfants dont elle s’occupe pratiquement à plein temps (parce que quand on regarde les pubs pour couches, pour lait premier âge etc, c’est presque toujours la maman qu’on voit, je crois que le papa n’a pas le droit de toucher un biberon sous peine de se faire immédiatement émasculer, oui oui c’est sûrement ça).
Pour finir, il y a en ce moment dans les cinémas les petits trailers pour La Guerre des Boutons. Et j’ai beaucoup rigolé avec cet extrait, où l’instit demande je crois quelle est la différence entre l’homme et la femme, et où un gamin répond : « Ben je crois que l’homme il a un cerveau… (là, gros coup de stress, doigts qui se serrent sur l’accoudoir) et la femme une cervelle ! » :)
Enfin voilà, je ne suis pas une rebelle ni une spécialiste de l’histoire de la femme, je n’ai pas pour habitude d’être très revendicatrice, mais parfois… parfois je ne peux pas m’empêcher de déplorer certaines choses.
Sur ce, aux cerveaux comme aux cervelles, je vous dis à bientôt !